Chroniques d'Asie du Sud-Ouest (10)
Quand on parle de l'Afghanistan, mais aussi, plus largement, des pays musulmans, on se rend compte que l'"orientalisme", la vision culturelle caricaturale des sociétés visées, prend souvent le dessus, à Paris ou à Washington. L'Afghanistan est donc forcément un pays impossible à conquérir et chaotique depuis Alexandre le Grand, à cause de tribus "fières" et "sauvages"... Raccourci rapide qui permet de passer sous silence les fautes américaines et la passivité européenne dans la gestion du dossier depuis la fin des années 1980. Cet orientalisme de café du commerce a nourri un réel pessimisme sur la capacité des forces de l'OTAN à atteindre leurs objectifs. Mais cela a fait également naître un certain fantasme pour une solution régionale qui pourrait être contrôlée de loin, et tout résoudre par l'économie. C'est la logique d'une "nouvelle route de la soie", si chère aux Américains, que les Chinois commencent à reprendre à leur profit.
L'idée est certes attirante: transformer cette zone instable en région progressivement prospère grâce au commerce et à la coopération. C'est à ce moment du récit que normalement, un article qui se respecte sur ce sujet fait un long développement historique sur l'histoire de la route de la soie... Mais on va tâcher ici d'éviter le hors sujet historicisant, pour se concentrer sur un projet précis, lié à cette approche: celui du "cœur de l'Asie". Egalement appelé "processus d'Istanbul", étant donné que tout a commencé le 2 novembre 2011, à la conférence pour l'Afghanistan d'Istanbul, sur "la sécurité et la coopération au cœur de l'Asie".