Paris, 26 janvier 2021
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Comment l’Ukraine a-t-elle géré la crise du COVID-19 pendant cette année 2020 ?
La crise du Covid-19 a fortement touché l’Ukraine qui annonçait, le 10 décembre 2020, 858 714 cas confirmés d’infection, et 14 470 morts. Pour l’Assemblée générale des Nations Unies du 18 septembre dernier, la pandémie a poussé l'Ukraine vers sa pire récession. Ainsi entre janvier et septembre 2020, le déficit budgétaire national de l’Ukraine était quatre fois plus élevé que celui de l’année précédente à la même période. Cette dégradation tient, notamment, aux mesures prises par l‘Ukraine, comme d’autres pays, qui ont ralenti l’économie, comme le confinement. Ainsi le 13 octobre les perspectives économiques mondiales publiées par le FMI ont prévu qu’en 2020, le PIB de l'Ukraine diminuerait de 7,2% en 2020.
Déjà contraint de gérer le délicat équilibre entre les conflits toujours en cours et une situation économique délicate, le gouvernement central et l’administration Zelensky s’est heurté à des obstacles pour voir ses efforts aboutir en matière de modernisation du système de santé ukrainien, pourtant un point central des réformes souhaitées suite à la révolution du Maïdan de 2014. Dès lors, afin d’éviter que la situation sanitaire ne devienne incontrôlable, Kyiv a choisi de mettre en œuvre des mesures particulièrement restrictives, à l’image d’autres pays d’Europe centrale. Le premier confinement, déclaré le 12 mars, s’est accompagné d’une interdiction d’entrer sur le territoire pour les ressortissants de pays étrangers. A la suite de prorogations successives, il s’est prolongé jusqu’au 11 mai, la fin du confinement proprement dit n’ayant lieu que le 22 mai, suivi d’un passage à une forme de « quarantaine adaptative ». Par la suite, le 13 novembre, une nouvelle fermeture des commerces non essentiels, l’obligation de porter un masque et d’avoir une pièce d'identité dans les espaces publics ont été décrétées. Enfin le 9 décembre, un « verrouillage total » a été annoncé pour une période courant du 8 janvier au 24 janvier 2021 ; et le ministre de la Santé, Maksym Stepanov, a annoncé une prolongation du régime d'urgence jusqu'au 28 février 2021. À ce jour, et sans surprise, si les personnes les plus fragiles ont payé le plus lourd tribut à la crise du COVID, de manière générale, la population n'est pas satisfaite de l'état du système de santé. Elle ne l’est pas davantage de la gestion de la pandémie par le gouvernement Zelensky qui ne trouve pas de solutions efficaces alors que les ministres de la Santé se succèdent : le ministre actuel est le troisième depuis le début de la mandature Zelensky et il est probable qu’un quatrième le remplacera bientôt.
Quelles sont les principales évolutions dans le conflit entre Russie et Ukraine pendant l’année écoulée ?
Octobre 2019 avait vu la signature de la « formule Steinmeier » qui devait mettre fin au conflit. Cette signature a été très controversée en Ukraine. Mise sur la table en 2015 et rejetée par l’Ukraine qui la considérait comme inacceptable, cette option n’était toujours pas acceptée par l’opinion publique fin 2019. Cette désapprobation s’est notamment concrétisée lorsque le retrait des troupes ukrainiennes de la ville de Zolote fin octobre a été entravé par des manifestations d’anciens combattants. Les échanges de prisonniers et la réunion au format Normandie, tenue en décembre, n’ont pas suffi à calmer le sentiment de trahison d’une large part de la population.
Or si l’année 2020 a été fortement rythmée par la crise du COVID-19, celle-ci n’a pas fait oublier que l’Ukraine, malgré la signature très discutée de l’accord Steinmeier, reste aux prises avec le conflit. Sur la ligne de front, les conditions de vie de la population se sont encore dégradées suite aux mesures de confinement et à leurs conséquences, s’agissant notamment de l’approvisionnement en produits de première nécessité et de la complexification accrue des déplacements. Enfin, après une flambée de violence particulièrement notable dans le premier trimestre 2020, une nouvelle tentative de cessez-le-feu "complet et global" est entrée en vigueur en juillet 2020. La trêve a été respectée jusqu’au mois de septembre où de nouvelles pertes sur la ligne de front ont contredit les déclarations optimistes du président Zelensky concernant la fin du conflit, alors qu’il a signé la formule Steimeier un an plus tôt. Malgré la réitération de déclarations affirmant que Kyiv n’abandonnerait jamais la lutte pour la réintégration du Donbass et de la Crimée dans le territoire national et leur replacement sous contrôle du gouvernement central, quel que soit le temps que cela pourrait prendre, le conflit est toujours en cours et les violations de cessez-le-feu se perpétuent, présentant malheureusement toutes les caractéristiques d’un « conflit gelé » se pérennisant à la guerre du Donbass.
Par ailleurs, l’Ukraine a poursuivi ses efforts auprès du tribunal international de La Haye afin de faire rouvrir une enquête sur les crimes de guerre perpétrés en Crimée et dans les régions de Donetsk et Louhansk. Les démarches ukrainiennes ont vu leurs efforts aboutir le 11 décembre sous la forme d’une de la déclaration du Bureau de la Procureure de la CPI selon laquelle il « existe une base raisonnable pour croire qu’un large éventail de comportements constituant des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité ont été commis dans le contexte de la situation en Ukraine”.
Quels sont les défis, les sujets à suivre, associés à l’Ukraine en 2021 ?
Mouvementée, l’année 2020 a été marquée par l’émergence de la pandémie, le remaniement ministériel effectué par le président Zelensky en mars 2020, et la difficulté pour mettre en place les réformes et lutter contre la corruption, mesures très attendues par la population et, au-delà par la communauté internationale et le FMI.
Dans ce contexte, 2021 s’annonce difficile et porteuse de multiples défis pour l’Ukraine. En effet, la situation économique, la poursuite des réformes et la lutte contre la corruption resteront des thèmes majeurs, au cœur des préoccupations du gouvernement. L’évolution du conflit sera également, bien entendu, d’une grande importance pour la population. Après tout, le président Zelensky a justifié sa décision de signer la formule Steinmeier par la possibilité de mettre, ainsi, un terme à cette situation conflictuelle.
Enfin, c’est en 2020 que des élections locales se sont tenues pour la première fois à la proportionnelle sur liste ouverte et qu’un pas en avant a été franchi vers la mise en place de la décentralisation. Aussi, les développements de la politique nationale, mais aussi locale seront des sujets d’intérêt majeur dans un contexte où la popularité du président Zelensky est faible (son parti ne recueillant que 15% des sièges des conseils municipaux aux élections locales) et alors que les élections locales semblent montrer que les Ukrainiens tendent à revenir vers des élites anciennes plus expérimentées au détriment de la politique prônée par le président qui vise à mettre en place des profils sans expérience du pouvoir. À ce titre, il sera intéressant de suivre la finalisation de la décentralisation.