Géopolitique

Billet publié sur le blog Géopolitique de la Route de la Soie, pour le journal Réforme.

Didier Chaudet, Directeur de la publication du CAPE, y analyse régulièrement les affaires géopolitiques d'Eurasie, d'Asie du Sud, et d'Asie de l'Est.

http://reforme.net/billet/7378/chine-force-paix-eurasie, 27 avril 2016

Summary in English: Great Powers are thinking about their interest first, it is the way International Relations have always been. But it should not mean that such policy should be destructive. The US and Russia seem to not have understand this fact, and oppose each other the way the UK and Germany did before the First World War. China has a different approach in Eurasia: this analysis shows that actually, Beijing's policies in this part of the world could be a help for peace and stability.

Oui, vous avez bien lu. Nous allons sortir de l’image caricaturale donnée par certains médias occidentaux, et rappeler que la Chine est aussi une grande puissance positive, au moins en Eurasie.

Pourquoi Beijing est sans doute une force de paix pour cette région, maintenant et pour les années à venir ? Tout simplement parce que c’est dans son intérêt. La Chine a besoin de deux à trois décennies de développement pour devenir une puissance qui pourrait dominer le XXIe siècle. Elle a besoin de stabilité à ses frontières pour que ce développement ait lieu, notamment dans son Ouest menacé par des menaces séparatistes, au Tibet et au Xinjiang. Et comme les Américains, avec leur « pivot » vers l’Asie-Pacifique, s’opposent à eux sur leur Est… Les Chinois ont décidé de conquérir leur Ouest. Mais pas par la violence, par les outils du soft power plus utiles dans la diplomatie contemporaine. Et ça marche : la sympathie pour Beijing croît en Eurasie, et les Chinois se montrent être d’une aide non négligeable pour la région.

Les pays d’Asie centrale craignaient la Chine dans les années 1990. Aujourd’hui il n’est pas rare de croiser de jeunes Centrasiatiques apprendre le mandarin, ou faire leurs études universitaires à Beijing ou Shanghai. Commercer avec le grand voisin de l’Est est mutuellement bénéfique. Et il a été compris que ce dernier n’avait pas de rêves de conquêtes, ou même de domination.

Par ailleurs, les Chinois, avec leur allié pakistanais, travaillent à lancer un réel processus de paix entre Afghans, un projet que les Occidentaux n’ont pas été capables de réaliser. Si le travail sino-pakistanais porte ses fruits, l’Asie centrale aura peut-être la chance d’éviter une contamination djihadiste venant de son sud. Comme il s’agit de la principale crainte des capitales centrasiatiques aujourd’hui, ces dernières savent ce qu’elles doivent à la puissance chinoise.

Dans les Caucases également

La Chine est également une puissance positive pour l’Extrême Orient russe (EOR), soit l’Est déshérité du pays. L’argent chinois est essentiel pour ce territoire. Au début de l’année 2016, 300 entreprises recevant un investissement chinois étaient actives dans la région. Et début avril 2016, après une visite du ministre du Développement de l’EOR, Alexander Galushka, à Beijing, on a appris que la Chine était prête à délocaliser des unités de production en métallurgie, pétrochimie, et autres industries clés, vers ce territoire. Un bienfait pour l’économie et l’emploi sur place.

Dans les Caucases également, les Chinois sont une force globalement positive. Dans le Caucase russe, ils sont une des principales forces économiques dans une région qui n’attire pas vraiment les investissements et les propositions commerciales (voir ici :http://www.huffingtonpost.fr/didier-chaudet/la-chine-et-le-caucase-du-nord-consolidation-des-liens-sino-russes_b_7672400.html).

Et dans le Caucase du Sud, ils représentent la seule grande puissance vraiment capable de parler avec tout le monde, se concentrant d’abord sur l’économique, et l’importance d’avoir un rapport apaisé avec tous (voir ici : http://www.huffingtonpost.fr/didier-chaudet/la-chine-et-le-caucase-du-nord-consolidation-des-liens-sino-russes_b_7672400.html).

Si toutes les grandes puissances agissaient de même, peut-être verrions-nous aujourd’hui une Eurasie plus apaisée… Hélas, Moscou, comme Washington, semblent en être restés à un jeu à somme nulle dans cette partie du monde.