Géopolitique

Billet publié sur le blog Géopolitique de la Route de la Soie, pour le journal Réforme.

Didier Chaudet, Directeur de la publication du CAPE, y analyse régulièrement les affaires géopolitiques d'Eurasie, d'Asie du Sud, et d'Asie de l'Est.

http://reforme.net/billet/7378/afghanistan-debut-macabre-offensive-printemps-taliban, 20 avril 2016

Au printemps, le climat devient plus clément en Afghanistan. Dans d’autres pays, ce serait l’occasion de profiter des paysages, de dîner avec sa compagne ou sa famille dans un restaurant en ville… Pour l’Afghanistan, y compris pour sa capitale, hélas, cela veut dire une recrudescence des violences.

C’est le début de la traditionnelle "offensive de printemps" des Taliban. En fait, bien sûr, la guerre continue toute l’année. Mais la mise en avant d’attaques spectaculaires lors d’une offensive du printemps et de l’été fait partie de la propagande. Quand ailleurs dans le monde, on se réjouit des beaux jours, les services de sécurité afghans sont en alerte, et les civils craignent pour leur vie, ce qui crée un climat de tension et de terreur.

Il y a une semaine, les Taliban ont officiellement fait savoir, par communiqué, que leur « offensive de printemps » commençait. Et hier, mardi 19 avril, elle a en effet débuté, de la façon la plus violente qui soit. Au moins 30 personnes ont été tuées, et 327 blessées, dans une attaque terroriste visant le quartier général de l’agence de sécurité s’occupant de la protection rapprochée des personnalités afghanes importantes, liées au gouvernement légal. L’explosion utilisée pour l’attaque terroriste a été tellement violente qu’elle a secoué et brisé des fenêtres jusqu’au palais présidentiel, pourtant éloigné de deux kilomètres.

Déstabiliser le gouvernement

Quelle est la signification d’une telle attaque ? Le gouvernement afghan s’est empressé de dire qu’il représentait, en fait, une incapacité des Taliban à vaincre en bataille rangée contre l’armée afghane. Le problème de cette approche, c’est que les Taliban cherchent à déstabiliser le gouvernement, dans une guerre usant des méthodes de la guérilla et du terrorisme : il ne s’agit pas d’une guerre classique entre États.

De fait, la rébellion a plutôt montré qu’elle était capable de semer la terreur jusque dans la capitale afghane. Qu’elle a pu y préparer un attentat demandant plusieurs centaines de kilos d’explosifs sans être repérée par les services de renseignement afghans. Et elle montre que les Taliban ne craignent pas de faire des simples civils des « dommages collatéraux ».

L’attaque s’est déroulée dans une zone toute proche du Ministère de la Défense. Mais c’est aussi un lieu où transite une population importante, où il y a un certain nombre d’écoles. L’explosion a eu lieu à une heure de pointe. Le but des Taliban est, hélas, terriblement clair : ils veulent montrer aux Afghans, même aux « privilégiés » vivant dans la capitale, que leur gouvernement est incapable de les protéger ; et il montre à tous les Afghans, de façon extrêmement claire, qu’ils n’hésiteront pas à tuer, même des non-combattants, pour revenir au pouvoir. C’est une politique terroriste dans le sens complet de ce mot : il s’agit d’implanter dans le cœur de chaque Afghan une peur empêchant l’opposition au retour des Taliban.

Accusations réciproques

En réponse à l’attentat, le chef de l’exécutif, M. Abdullah Abdullah, a décidé de reporter un voyage au Pakistan, affirmant que la préparation de cet attentat avait eu lieu sur le sol pakistanais… Situation classique dans la région, hélas : l’Afghanistan accuse régulièrement le Pakistan, l’Iran, voire même les Américains, de ses problèmes. Les Pakistanais accusent également les Afghans de ne pas lutter assez contre les terroristes ciblant Islamabad et se réfugiant en Afghanistan.

Il est essentiel, pour changer la donne dans la région, que les États cessent de se montrer du doigt les uns les autres et travaillent ensemble, contre le terrorisme djihadiste. L’Europe, comme les États-Unis, peuvent aider, de loin : mais seuls les pays de la région peuvent soigner les maux de la région…