Géopolitique

Billet publié sur le blog Géopolitique de la Route de la Soie, pour le journal Réforme.

Didier Chaudet, Directeur de la publication du CAPE, y analyse régulièrement les affaires géopolitiques d'Eurasie, d'Asie du Sud, et d'Asie de l'Est.

http://reforme.net/billet/7378/haut-karabakh-responsabilite-russe, 16 avril 2016

Summary in English : this article reminds a simple fact: Russia is focusing on its interests first, hence has no problem playing Azerbaijan and Armenia against each other. It is not an article to blame Russia: it is a realist way to project power. The only issue with this strategy nowadays, is that it might put South Caucasus at a risk of a new war in Nagorno-Karabakh.

On a rappelé précédemment la situation dans le Haut-Karabakh, entre Azéris et Arméniens. Peut-on considéré la Russie comme responsable des tensions actuelles ?

Bien sûr, il ne faut pas tomber dans la russophobie primaire. Si, le 7 avril dernier, le premier ministre Medvedev a dit que la Russie était prête à servir d’intermédiaire entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie, c’est d’abord parce que des trois grandes puissances impliquées dans les efforts, la Russie est la plus qualifiée, plus que la France et les États-Unis. C’est l’ancienne puissance coloniale, ce qui veut dire des liens historiques et humains anciens.

Et le Haut-Karabakh, c’est le dossier sur lequel les Russes s’activent régulièrement pour montrer leur bonne volonté à l’Occident. Car sur ce sujet, nous sommes tous d’accord : une nouvelle guerre dans le Caucase du Sud serait une source d’instabilité préoccupante. Pour l’Europe, cela voudrait dire une autre région instable à ses portes. Pour la Russie, c’est le risque de voir naître un foyer d’instabilité trop proche d’un Caucase du Nord russe où la rébellion contre Moscou est toujours active.

Maintenant, ne pas être russophobe ne veut pas dire être aveugle face au jeu machiavélien de la Russie depuis plusieurs années. Moscou joue de la rivalité entre Arméniens et Azéris pour assurer son influence régionale. Le Kremlin accepte de vendre des armes pour de coquettes sommes à Bakou, qui se sent obligé de se fournir du côté des Russes pour se gagner leurs faveurs. Et en même temps ces derniers s’assurent que les Arméniens reçoivent un armement assez sophistiqué pour que les plus bellicistes se pensent toujours capables  de gagner une guerre contre les Azéris…

Bien sûr, l’aide russe à l’Arménie et au régime du Haut-Karabakh n’est pas réellement gratuite. 5000 soldats russes, ainsi que du matériel offensif sophistiqué (hélicoptères d’attaque, avions de chasse, etc.) est basé en Arménie. En 2015, Erevan a signé avec les Russes un accord sur un système de défense aérienne régional considéré comme agressif pour les Azéris, mais aussi pour les Géorgiens et pour les Turcs. Les Russes veulent sans doute la paix dans le Caucase du Sud. Mais ils veulent plus encore conserver leur influence sur place.